TUR 10/10 : Le coup de mou / (Blue)

Mardin, ville fantome

Mardin, ma ville fantôme

04/09/11

Le coup de mou/ (Blue) en audiobook

Get get down

Je crois que c’est Mardin qui a entamé ma chute de moral. Cette ville, pourtant, avait un vrai potentiel de rencontre.

J’aurais pu, théoriquement, discuter avec des gens pratiquant chacun une religion différente. J’aurais pu, théoriquement aussi, avoir plein de visions différentes de la vie. J’aurais même pu, théoriquement toujours, passer une semaine exceptionnelle… Malheureusement, 3 choses m’ont empêché d’arriver à ce résultat.

Premièrement, comme d’habitude : le tourisme. Mardin, ville à flanc de falaise avec ses maisons aux couleurs miel, déchaine les passions les plus folles des touristes turcs. En gros, c’est rempli. Conséquence logique: il est difficile d’aller rencontrer la population locale.

Deuxièmement, l’hébergement. En quittant Ilyas à Diyarbakir, j’avais une piste pour aller demander un hébergement au bureau Erasmus de l’université locale. Malheureusement, ce plan n’a pas marché et j’ai dû prendre un hôtel à 20TL la nuit (alors que mon budget est de 24TL par jour), prix exorbitant, considérant que je dormais sur le toit. Et évidemment, en dormant en dortoir sur le toit, on n’a pas vraiment d’espace frais à soi. Ce qui nous amène à la troisième chose qui a entamé ma chute, la plus importante:

La chaleur. Elle m’a com-plète-ment cassé. Ce n’est pas la première fois qu’il faisait 45°C pendant mon voyage, mais sans parc, sans piscine et sans chambre, ça devenait difficile à supporter, mais surtout, ça devenait impossible d’explorer ou de rencontrer.

Heureusement, tout n’était pas négatif à Mardin. A l’université, j’ai eu ma première discussion avec une femme musulmane turque, Bouchra. Waouw ! (Pourquoi waouw? Reprenez mes autres articles, en dehors d’Asli à Istanbul, je n’ai parlé à aucune Turque) J’ai confronté son point de vue à celui de Sehim, le vieux de Diyarbakir, concernant la position de la femme. Celle-ci trouvait les idées du vieux fausses, conservatrices et comme elle était tellement intéressante, je voulais faire une rencontre face cam avec elle. Sa réponse était merveilleuse, en considérant tout ce qu’elle avait dit avant: « Je dois demander à mon mari. »

Je n’ai jamais revu Bouchra, alors que c’est pour qu’elle me filme que je suis resté à Mardin. Grrr.

Loin des locaux

Loin des locaux

On the road again

Le lendemain, après avoir pris un long petit dej avec 2 Allemands du dortoir en plein air, j’ai fait une journée complète de stop. C’est une grande fierté pour moi d’avoir parcouru +/- 250km en 7 autos différentes. Je trouve que c’est la classe. C’est gratuit, pas très difficile (en tout cas pour un mec) et c’est beaucoup plus marrant que de prendre le bus, parce que, même si on n’a pas toujours envie de parler à son chauffeur, on est mieux assis et on découvre la musique de la région qui passe à plein tube à la radio.

De toutes façons, tout était mieux que de rester dehors par cette chaleur écrasante. Mon dernier chauffeur, Inayet, ce beau vieil homme dont je vous ai parlé la dernière fois, m’a même amené 20 km plus loin que sa destination à lui et, en discutant à l’aide de mon dico, j’ai appris plein de Turc. Topdéliremégagroove.

En sortant de sa voiture, peu avant le coucher de soleil, j’ai tout de suite aimé la petite ville de Tatvan, ville au sud-ouest de la Turquie, même si à l’origine, j’avais prévu d’aller à Van, quelques 150 km plus loin. C’était en discutant avec les 2 Allemands du petit dej que mon envie d’aller à Van avait complètement disparue. D’après le guide papier, cette ville paraissait assez libre au niveau religieux:

(…) où les femmes turques mangeant leur glace osent croiser le regard des touristes étrangers (…)

Mais mes deux compagnons du matin, un gars et une fille, avaient eu une expérience diamétralement opposée pendant le ramadan. Ainsi, plusieurs fois, des Turcs étaient venus vers eux et leur avaient arraché leur clope du bec pour la jeter par terre. De plus, on n’arrêtait pas de leur jeter des regards noirs. Je précise tout de même que la fille parlait le turc, ayant étudié à Istanbul, et que le problème risquait donc de se poser avec moi aussi.

Aucun souci. Tatvan et Van ont un point commun. En fait c’est pas un point, c’est un lac de 3 755 km2 de superficie qui ressemble à la mer. Et, au final, c’est un peu pour ce lac que je voulais aller voir Tatvan. D’ailleurs, toujours suivant les Allemands du dortoir, il n’était pas possible de profiter du lac de Van à Van (vous suivez?). Assez de raisons donc pour me contenter de Tatvan, à 150km de la ville de Batman.

Tous les chemins mènent...quelque part

Tous les chemins mènent… Quelque part

Catch a falling star

Tatvan est donc une ville balnéaire entourée de montagnes par derrière, dont le fameux mont Nemrut (pas celui avec les statues, un autre). Et, dans cette ville fort croyante, il n’y a pas de plage, ni d’activités touristiques sur l’eau. De plus, pendant le ramadan, il n’est pas possible d’acheter un durum ou sandwich au poulet, même après le coucher du soleil. Le seul repas dispo c’est le spécial Iftar, 3x le prix du durum, à la Lokanta de mon choix. Puis le ciné aussi est fermé et le thé proscrit pendant la journée… Alors même si l’air à respirer était pur, je commençais à beaucoup moins apprécier cette ville 2 heures à peine après y être arrivé. Heureusement, mon hôtel était au prix plancher, et même si ça puait, c’était pas super propre, pas très bien isolé et que ça me grattait de partout, ça ne faisait rien car, j’avais la télé.

Le dimanche, j’entame l’exploration de cette ville 15°C plus fraiche que Mardin et c’est un plaisir. Oui, mais, je connais personne. On ne m’invite pas. Les gens ne peuvent me donner à manger, car ils font le jeûne. Bon. La mer est très belle. Je longe la digue. Oui mais, j’ai plus de bouquin. Depuis Diyarbakir j’ai fini mon Harlan Coben. Et évidemment si ya pas de touristes, ben ya pas de bouquins en anglais non plus. Que faire? Déprimer?

Bon, je vais aller par là. Un groupe de Turcs m’arrêtent. « Ya rien là-bas. » Merci, mais je vais me faire mon idée. Ah tiens, on dirait qu’ils avaient raison. Quoique. En m’enfonçant davantage vers les montagnes et en m’éloignant de la grand-route, j’arrive dans un coin avec quelques maisons disposées autour d’un charmant petit chemin de campagne. Je salue un homme perché dans son jardin en hauteur. Il m’offre plein de fruits. Chouette. Je continue mon exploration et tombe sur un petit village. Je m’y promène et je descends vers la montagne. Un groupe d’enfants me crie dessus: « Va pas là, c’est hyper dangereux » Ils m’énervent, maintenant que j’avais trouvé un endroit à l’ombre pour m’isoler. Mais bon, et si c’était vrai? Ils ont vraiment l’air de se faire du souci pour moi. Je décide de sortir de ma cachette dans les bois. C’était un très bon choix. Après les présentations d’usage « Para yok » (je n’ai pas d’argent) c’est parti pour une exploration du village de ces 6 garçons pendant 2 heures. L’église en ruine dans la montagne, le cimetière de leurs aïeux, le point d’eau, les moutons, une autre église, la grand-mère de l’un d’eux qui m’offre des concombres… Tout ou presque y passe. La visite touche à sa fin. Je suis épuisé. Il fait quand même chaud.

J’ai aimé cette rencontre parce que, pour une fois, comme elle était instiguée par des enfants, il n’y a pas eu de dons matériels. Tout était dans la communication. Ils voulaient me montrer leur vie et moi, je voulais voir leur village et apprendre le turc (ce sont de bons profs d’ailleurs, plus perspicaces que beaucoup d’adultes)

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Les enfants de Tatvan

Après demain, c’est Beiram, la fête de la fin du Ramadan. Tout sera mort parce que les gens seront chez eux, en famille. Et moi, je serai sans bouquin. Je décide de quitter la ville pour rejoindre Pamukkale, où je dois récupérer mes affaires et dire au revoir à Hassan et sa famille. Mais d’abord, je ferai un petit détour par Antalya. Contrairement à ce que le Lonely Planet me dit, mes 23 heures de bus ne me couteront non pas 40, mais 90 TL. Enfin, faut bien que je rentre.

Are you sure ?

Lundi 28 août, une heure avant mon départ, je rencontre encore des jeunes de mon âge et une bande d’enfants qui me montrent leurs tatouages (qui sont en fait des griffes en forme de X qu’ils se sont fait sur le bras), puis me demandent de l’argent. Au moment où j’ouvre mon sac à bouffe, ils dévalisent mon paquet de biscuits et se battent entre eux pour 1 des 20 « chokocrem ». J’en profite pour m’éclipser discrètement avant qu’ils ne commencent à me jeter des pierres.

Le trajet en bus, c’est la vision en turc de ‘L’apprenti sorcier’, ‘Ben 10 le film’, ‘Percy Jackson et le voleur de foudre’ et de quelques clips vidéos turcs et autres. J’en sors à Antalya, après 20 heures, soit 3h plus tôt que prévu. Je suis complètement naze en débarquant à cette réelle station balnéaire pour touristes. La température a remonté et la seule chose qui me ferait plaisir, c’est une chambre. Pas cher. Tout de suite.

Je rencontre un Erasmus Polonais, Adam. Il connait un endroit à 10 TL. Bon, c’est 15 TL et c’est pourri et crade comme il faut. Ca pue. Tant pis, je prends. Je dépose mon sac, j’enlève mes chaussures. Tiens, le tapis colle et est humide. Bon. J’allume la télé. Tiens, la télécommande colle et je peux pas changer le volume. Je déplace le ventilateur pour l’orienter vers moi. Tiens, celui-ci ne tient plus. Je vais plutôt aller prendre une douche. Si je suis propre, le reste n’a pas d’importance. Tiens, quand je vise le mur avec le tuyau (on va pas me donner de pommeau non plus) de douche, ya des trucs noirs qui sortent par-dessous. Et ça n’a pas l’air de se vider. Mais je m’en fou. C’est pas cher. Je vais me reposer puis appeler Adam et ses amis. Je me couche sur le lit, après avoir déposé ma galette isolante dessus, pour que je ne reste pas collé sur celui-ci. A ce moment-là, le matelas prend la forme d’une belle banane. Mon dos dit non. Je précise au patron que je m’en vais. Il ne me retient pas. Ce sera donc un hôtel cher. Tout est plein, mais après une heure, je finis par trouver mon bonheur, trempé de sueur. Je comate ce qui reste de l’après-midi sur mon matelas et le soir j’essaie d’appeler Adam. Mais le téléphone que j’ai acheté à Sanliurfa est tellement merdique que je n’arrive à rien.

Par contre, en mangeant mon Tavük Döner (sandwich au poulet), chouette surprise, Ilyas m’appelle pour voir comment je vais. En l’entendant, je vais mieux. Mais ce soir, je ne ferai rien et j’irai me coucher. Le lendemain, je vais chercher Kemal, le vendeur de livres recommandé par mon guide, pour satisfaire le seul besoin pour lequel je suis ici: échanger mon Harlan Coben. Après m’être complètement paumé dans le labyrinthe des rues de la vieille ville, je découvre une petite maison ouverte, pleine de livres. Kemal n’est pas exactement comme je pensais. Voici un extrait de ma discussion avec lui.

KEMAL:
You should watch pornographic movies. These are the only movies worth watching.

THIERRY:
Why?

KEMAL:
Because that way, you learn to fuck women better and they don’t come here to marry turkish men and have a good fuck.

Après cette édifiante discussion, j’ai rapidement échangé mon Harlan Coben contre un Orhan Pamuk (ZE auteur turc) et j’ai quitté cet homme aux tristes vérités et à la déprimante vision de la vie. Mais d’abord, je lui ai demandé de me filmer. Il a refusé en disant,

« You look very tired »

Il avait entièrement raison.

Antalya

Antalya (hors champ)

Leavin’ on your mind

Le stop pour quitter la ville n’a pas marché. La fatigue? La région? Je ne sais pas. Les 2 sans doute. Mais j’étais dégouté d’avoir perdu 2 heures de temps pour faire 5 km sur les 220 qui me séparaient de Pamukkale.

Ce sera donc le bus. Retour à Antalya pour le prendre. Je suis fatigué. De la chaleur. De la Turquie. De cette séparation mec-fille partout. Petit coup de fil à ma maman s’en suit. Je dois recharger mes batteries, pense-t-elle. C’est tellement vrai.

Parce qu’à force de me nourrir de pain et d’eau, de porter mon gros sac, de dormir dans des conditions pourries, mon organisme me dit merde.

Il est 10 heures du soir quand j’arrive à Pamukkale. Timidement, je m’avance dans la propriété de l’hôtel Dört Mevsim. Ca ne manque pas. Hassan et Elwann se réjouissent de mon retour. « Hoş geldiniz Thierry » (Bienvenue) « You wanna eat something? »

J’étais rentré à la maison.

Tatvan

Tatvan: « Ya rien là-bas »

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