BF 5/5: Dossier KN

En vue de l’expérience menée sur le sujet KN, IADISIS a demandé une investigation sur le sujet afin de déterminer s’il était prêt pour la dernière étape du projet RC. Vous trouverez ci-dessous un dossier sur KN contenant : un rapport, un article, 2 lettres et 7 photos. Nous avons basé notre décision finale sur son contenu. A noter que jusqu’ici les étapes 1, 2 et 3 se sont déroulées sans trop de problèmes.

02/03/2012

Dossier KN en podcast

[audio http://universpodcast.com/contents/lesaventuresdethierry/bf-5-5-dossier-kn-laure.mp3 ]

Rapport de fonction de l’agent BF37J
KN, au cours d'une séance

KN, au cours d’une séance

Projet RC                                                                                                                   27/02/12
GMT : 17H32

Rapport de fonction de l’agent BF37J à son supérieur direct, le commandant John Ally.

Concerne : première visite au village de KN

Le sujet semble s’être calmé et voit le bout du tunnel. Il est assis à son bureau et écrit. Les idées semblent plus positives qu’il y a à peine quelques heures. Il faut dire que le sujet, ci-après nommé « KN », en a vu de toutes les couleurs ces dernières semaines.

Tout a commencé lorsque KN est allé au village. Sa protagoniste « Oliva » l’y a guidé en moto. Ladite protagoniste devait y amener sa grand-mère en moto pour le weekend. Même si elle avait proposé à KN d’aller dans le village de Tansopotenga le lendemain, elle lui a rapidement suggéré de voir d’abord Goudrin. Ce que KN a appris après, c’est que Goudrin n’était pas simplement un village parmi d’autres, mais bien le village d’Oliva. Alors qu’Oliva avait présenté Tansopotenga comme son village. En fait, Oliva lui expliquera plus tard qu’elle savait que KN voudrait  tourner des séquences de son film à Goudrin, et que ça lui faisait peur. Après tout, c’était chez elle. Quand KN est arrivé au village, il n’a su que dire, que faire. Il s’est dit « paumé » et « à côté de ses pompes »

Tout était dans la langue locale, le « moré »  dont KN ne connaissait que quelques mots, et je crois pouvoir affirmer avec certitude que KN n’avait jamais vu autant de simplicité dans sa vie. Ca lui a mis un choc, mais il n’a pas ressenti la pauvreté comme dans la grande ville, c’était simplement simple. Oliva l’a invité à la rejoindre dans sa case avec sa grand-maman, une simple petite hutte en sorte de briques (source à confirmer) avec un toit en paille. KN a affirmé qu’il faisait bien meilleur à l’intérieur de cette « case » que dehors. Il a par ailleurs remarqué que d’autres cases plus récentes avaient un toit en tôle, ce qui apportait davantage de chaleur. Oliva lui a signifié qu’ici au village, il y avait également moins de moustiques. KN a passé deux heures dans cette hutte, seul Blanc à quelques km à la ronde (voir beaucoup plus). Pendant ce temps, Oliva était allongée pour la moitié du temps contre les jambes de sa grand-mère, qu’elle considère en fait comme sa mère. On a également observé le passage d’un certain nombre de villageois, plutôt des femmes qui venaient faire la causette avec la grand-mère, le tout en moré. Oliva ne traduisait pas grand-chose pour KN. KN nous a raconté qu’on lui a proposé l’eau de bienvenue comme dans les films burkinabés qu’il avait vus avant de commencer l’expérience. Il précise que ce n’était pas bon et qu’il doutait de la propreté du mélange. Une vieille femme avec un œil poché lui a demandé où était son pain. KN n’avait pas apporté de pain. Oliva lui expliqua qu’il ne s’agissait pas de pain, mais bien d’un cadeau qu’on apporte quand on vient de la ville.

KN n’avait rien apporté pour cette visite. Il a baissé la tête en signe de honte. La vieille femme lui répliqua « on va te couper la tête, à force » à moins que ce ne soit « ta tête va tomber, à force ». Après, les vieilles sont parties. Sont alors restés Oliva et KN dans la case. Oliva a raconté pas mal de choses sur sa vie, sur cette case. On sait avec certitude que KN a écouté attentivement. KN nous a dit dans sa dernière séance qu’il a su à ce moment-là qu’il devrait tourner son film, entre autres au village de Goudrin. Des villageois nous ont signalé leur sortie de la case aux alentours de 14h, soit deux heures après être arrivé (ce qui confirme le récit de KN).

A noter qu’avant de quitter le village, KN et Oliva ont salué au moins 20 personnes afin de ne frustrer aucun villageois. KN souriait chaleureusement. Il a dit avoir eu faim à ce moment-là.

Fin du rapport de l’agent BF37J

GMT : 17H55

                                                                                                                                       

Lettre non datée de l’agent S à KN

A noter qu’à la découverte de cette lettre, l’agent S a été mise à pied immédiatement et sans révocation possible pour faute professionnelle grave.

KN à moto

KN à moto

Cher Ken,
j’ai appris tes péripéties au village de Goundrin en feuilletant dans les papiers de mon père. Je voudrais t’aider à comprendre ce qui t’est arrivé ensuite, afin que tu puisses sortir de l’expérience indemne, ou tout du moins plus fort, même s’ils ne veulent pas que tu saches.  Tu as quitté le village avec Oliva en moto. Tu roulais sur ta moto, elle sur la sienne. Tu étais crevé. Il faisait mourant de chaud. Il y avait beaucoup de poussière dans l’air mais tu avais mis ton masque pour dormir sur ta bouche et, même si c’était chaud, c’était tout de même mieux. Vous vous êtes arrêtés tous les deux au cabaret, une sorte de bar improvisé au bord de la route avec 4 poteaux et de la paille au-dessus. Là-bas, on ne sert que de la bière de mil ou du dolo. On en a offert à toi et Oliva en guise de bienvenue. Oliva a précisé qu’on offrait pas ça à tout le monde et tu as senti (à tes dires en séance) que même si tu avais oublié ton pain ( ?), tu avais quand même plus d’ouverture qu’un simple égoïste. Vous avez racheté du dolo et on vous en a encore offert. Tu as eu peur pour ta conduite sur la moto, mais finalement, tout s’est bien passé et tu es rentré indemne.

Je n’ai pas trouvé de rapports pour tout ce que tu as dit en séance. Toujours est-il que je sais après consultation des fichiers, que tu étais angoissé parce que tu tournais ton film dans une semaine (cad aujourd’hui) et que tu étais nulle part (selon toi). De plus, ton ingé son était arrivé et tu devais maintenant partager ta chambre avec lui. Ce qui ne te plaisait pas. Mais rapidement, tu l’as apprécié humainement, il était d’une sincérité rare et s’est très vite adapté au pays. Ce que tu as admiré, surtout en repensant à tes débuts de l’expérience. Il s’appelle Gianni et est arrivé le jour de ton départ au village. Tu lui as fait rencontrer tes amis, et Ali, le gardien de K7, (là où tu loges toujours) lui a fait rencontrer  les siens : John l’enseignant et Thierry le machino.
Ensemble, ils boivent du thé tous les après-midis (ici appelés les soirées). Tu as également acheté un poulet qu’Ali a égorgé pour le cuisiner avec un autre poulet que Gianni avait acheté. Tu as trouvé ça très bon. Oliva était invitée aussi. Mais la plus remarquable chose que tu as faite cette semaine, c’est ta demande d’autorisation de tournage au papa d’Oliva. 
Je ne sais pas si tu te souviens, Ken, mais son papa est chef coutumier, tu as donc décrété que tu devais faire une demande dans le respect de la tradition. Pour l’occasion, tu as mis une chemise. Oliva t’a expliqué qu’il fallait acheter un coq, de la cola (des noix)  et donner 1500 ou 3000 fcfa, afin de demander une audience à un chef. Vous avez été chercher le poulet ensemble avec ta moto, que tu maitrises aujourd’hui assez bien, même si tu n’es pas fan. Vous avez été au marché et tu as un peu négocié le prix du coq, vu que tu avais déjà acheté un poulet le matin.
Les poulets achetés le matin

Les poulets achetés le matin, plumés par Ali et Gianni

Quand vous avez récupéré la cola, vous êtes rentrés chez Oliva. Mais un Blanc qui se ramène sur une moto avec une Black et un poulet, ça pue la demande en mariage. Tu trouvais ça assez drôle et angoissant à la fois. Pour couronner le tout, ce n’est pas Oliva qui t’accompagnait, mais bien son grand-frère, qu’elle a été trouver pour l’occasion. Avant qu’il n’arrive, tu attendais devant la grille seul, avec ton poulet vivant dans une  main, et tes noix de cola dans l’autre, pendant qu’Oliva discutait avec son père à l’intérieur. A côté de toi, il y avait des ouagalais qui jouaient à la pétanque. Ils ne disaient rien, ne semblaient pas te regarder, mais tu étais sûr qu’ils n’en pensaient pas moins (tes dires en séance). Finalement, le frère est arrivé et vous avez franchi le seuil de la grille. Oliva a préparé le terrain et son père savait que tu ne faisais pas une demande en mariage. Même, ça restait stressant. Comme d’habitude, il était assis au fond de la grande cour, sous un énorme préau en paille, en habit de chef avec son chapeau. Le frère et toi, vous vous êtes rapprochés.  Tu penses te souvenir qu’il s’est assis à terre et toi sur une chaise. Il a échangé quelques mots en moré avec le chef. Puis, tu as présenté ton film en résumant au final avec ces mots « Mon film se résume en un proverbe : « Celui qui veut bien s’abreuver, va à la source ». Le chef a accepté ta demande et ce fut le deuxième moment le plus fort que tu as vécu à Ouaga.

Le premier moment le plus fort sera dans ton film. C’est la procession mystérieuse que tu as vue se dérouler au matin chez Oliva. Mais tu ne voulais pas t’étendre sur le sujet. A chaque fois qu’on te relançait, tu disais de plus en plus vigoureusement « Vous verrez avec le film ».

Il s’est passé davantage de choses mais je n’ai plus le temps de t’en parler. Je dois partir, ils ne peuvent pas savoir que j’étais ici. Concernant l’expérience, quoi qu’il arrive, bats-toi jusqu’au bout !

S.

                                                                                                                                       

Article du journal ‘El Faso’ daté du 27/02/12

C’est une bien étrange histoire qui s’est déroulée le mois dernier dans la capitale de Ouagadougou. Un jeune homme blanc, Ken, a fait partie d’une expérience qui changera à jamais sa vie. L’expérience n’est pas encore finie mais déjà les analystes du programme « regards croisés » décèlent les changements suivants : « l’homme a découvert qu’il ne savait pas qui il était, on lui a appris qu’il n’émettait jamais d’avis sur les choses, il a compris à quel point il n’était pas dans l’échange, même s’il était dans l’écoute. Il prenait et se taisait. De plus, même s’il ne dépensait pas son argent mais celui d’une bourse, Ken restait pingre. » 

François, une rencontre décisive

François, une rencontre décisive

Une rencontre décisive au restaurant ‘La cité bleue’ lui a fait dire que maintenant, il fallait peut-être arrêter de demander de l’aide à Papa Maman et qu’il fallait apprendre à se battre tout seul, car ils ne seraient pas toujours là. Il fallait aussi urgemment découvrir qui il était, sous peine de souffrir beaucoup. Une solution selon la personne rencontrée était de sortir en boite, de dépenser plein d’argent, jusqu’au dernier sou, de boire comme un trou et de se retrouver sans un rond à essayer de survivre dans un pays étranger. 2 jours sans se laver feraient l’affaire pour se rendre compte de ce que signifie d’être seul. »

En tant que journalistes, nous sommes sceptiques sur les bienfaits d’une telle expérience, mais, toujours aux dires des analystes, Ken ne regretterait pas ce qui lui arrive en ce moment, même si ce n’est pas tous les jours facile.

Dans l’avant-dernière étape de l’expérience, Ken a dû organiser de manière pratique un tournage de documentaire qu’il fantasmait depuis des semaines. Il s’est retrouvé producteur  et assistant réalisateur en plus de sa fonction et ça ne lui a pas plu d’ouvrir son portefeuille pendant toute la journée afin de régler les détails pratiques du tournage. Pour lui, l’organisation de tournage se révèle pareille à celle de son pays d’origine. Coups de fil en pagaille, rendez-vous partout, repérages  intensifs, rencontres informelles avec l’équipe et les protagonistes et courses diverses. Même si rien ne semble gagné d’avance, gageons qu’avec la journée de repos et d’organisation  que Ken a prise aujourd’hui, en ce 2ème jour de tournage officiel, le reste aille comme sur des roulettes.

                                                                                                                                                                     
LETTRE INTERCEPTEE DE « KN » A « PAPA et MAMAN »

après déduction, nous pouvons supposer que la lettre fut écrite le 25/02/12

Chère Maman,
j’espère que papa et toi,vous allez bien. Actuellement, je suis au village, là, il n’y a pas l’électricité. On est samedi. Dans 2 jours, je commence à tourner mon film. Pour l’instant, je dois faire des repérages intensifs avec mon équipe, afin que les villageois nous connaissent avant qu’on amène les caméras. Tout le monde semble dépaysé. Lionel, mon cadreur, un Black jeune cool de 30 ans, n’a pas mis les pieds au village depuis 4 ans.

Lionel, le cadreur

Lionel, le cadreur

L'équipe de KN, depaysée

L’équipe de KN, depaysée

Oliva, ma protagoniste, vit en ma compagnie des moments très forts puisque je la force à replonger dans un passé qu’elle pensait avoir à jamais laissé tomber avant de m’avoir rencontré. Evidemment Gianni ,mon ingé son, et moi-même, on peut pas comparer avec ce qu’on connait, mais contrairement à ma première visite, je suis beaucoup moins dépaysé. J’ai envie de passer davantage de temps au village. D’y vivre un peu. Mais ce sera pour une autre fois, j’ai un film à tourner. De toute manière, la vie rurale ne me conviendrait sans doute pas. Ce qui me frustre dans cette visite de 2 jours, c’est mon niveau de moré, il est lamentable comparé à d’autres langues que j’ai dû apprendre sur le tas avant.

Bref, pour se faire accepter au village, on a dû faire une montagne de dépenses, 2 coqs pour demander des autorisations de tournages (au chef et au chef de la terre), des noix de colas, 2×1500 fcfa, 4 kg de sel, puis tout ce qu’il faut pour cuisiner le soir en quantité.
En plus, faut donner 100 fr
 par-ci, 200 fr par-là, nourrir l’équipe…Déjà que j’ai du mal à donner d’habitude mais, à force de sortir mon portefeuille à tout bout de champ, je n’ai plus aucune envie de faire un don spontané, contrairement à Gianni qui est très généreux dans l’âme, ce qui est tout à son honneur.

Après, évènement magique, la nuit du conte a commencé. 20 enfants se sont rassemblés spontanément autour d’une lampe à leds blancs (modernité oblige…et crise de pétrole) dans un village sans aucune lumière. Ils se sont assis sur des bancs, ont posé une natte par terre et se sont mis à raconter.

La nuit du conte, perchée par Gianni

La nuit du conte, perchée par Gianni

Un plan cadeau pour mon film. Puis, on a eu les danses traditionnelles et une petite pièce de théâtre avant. La soirée s’est finie dans un maquis dont on fêtait l’anniversaire aujourd’hui. On y a invité quelques villageois pour qui on a payé l’entrée. Victorine, la citadine de 15 ans, et la meilleure amie d’ Oliva au village,était venue aussi. Elle s’est bien amusée et j’ai dansé un peu avec elle pour lui faire plaisir. On est rentrés et là,je suis dans la case d’un type du village. Je suis enfin seul. Pas collé à mon équipe comme pendant le reste de la journée. Je l’aime bien mon équipe mais vous me connaissez quand même un minimum pour comprendre ça.

Et vous comment est-ce que vous al- ILLISIBLE
ILLISIBLE– l fait toujours ILLISIBLE
(peut-être un code de KN pour ses parents)

Lettre déchirée sur la fin, ne possède pas de signature de ce fait.

                                                                                                                                       

Conclusion de l’investigation :

Le sujet est

ACCEPTE

pour la dernière étape du projet RC.

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Merci à CorVans, Laure et Hélène qui ont gracieusement prêté leurs voix pour donner vie au podcast de cette semaine.

3 réflexions sur “BF 5/5: Dossier KN

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